Adieu Tonton Martial SINDA, un intellectuel, un chercheur, un historien qui s’en va.

Adieu Tonton Martial (SINDA), un intellectuel, un chercheur, un historien qui s’en va.

Hommage à toi, Martial SINDA (1935–2025), fils du Pool (né à Kinkala), historien spécialiste des religions africaines, professeur à la Sorbonne (Paris I) et dans plusieurs universités africaines. Ce que je tente de faire ici, très humblement, c’est de lui rendre la place qui aurait dû lui être accordée depuis longtemps, une place enfouie dans la discrétion propre aux grandes âmes.

L’histoire de cet homme, ce héraut, est liée à la mienne. Dans ma jeunesse, j’ai été profondément marqué par ses ouvrages, que je découvrais dans son domicile du XIIIe arrondissement de Paris, où ils m’étaient dédicacés. Parmi ses œuvres les plus marquantes : Simon Kimbangu et le martyr congolais, André Matsoua : fondateur du Mouvement de Libération du Congo. Ces publications majeures, suivies d’une série d’essais et d’articles documentés, analysent en profondeur le messianisme congolais. Œuvres de rayonnement international, elles sont parvenues à point nommé, à l’heure où le panafricanisme résonnait fortement.

Ces livres sont des jalons essentiels dans la recherche et la connaissance de notre Histoire. Il appartient désormais aux héritiers congolais — tel est mon souhait le plus ardent — d’en faire un usage utile et constructif pour une Nation qui, trop souvent, oublie ses intellectuels.

Son acuité, son amour de l’Histoire méritent d’être salués. Dès 1955, à l’époque coloniale, il écrivait Chant de départ, une œuvre poétique primée par le Grand Prix littéraire de l’Afrique Équatoriale Française. Il écrivait pour témoigner.

Acteur de la Première République, témoin d’une époque, Martial Sinda a contribué aux fondements du Congo moderne, sur lesquels le Congo contemporain aurait dû s’ériger. Il nous a offert des clés de lecture, transmis le goût de l’indépendance, de l’imagination et de l’action. Intellectuel de premier plan, il fut témoin de l’ascension de l’abbé Fulbert YOULOU à la mairie de Brazzaville en 1956, puis à la magistrature suprême lors de l’indépendance. Il refusa de s’engager en politique, estimant que la vocation d’intellectuel et de chercheur suffisait à elle seule.

C’est lui qui présenta Bernard KOLELAS à l’abbé Fulbert YOULOU. Lorsque les relations entre les deux hommes se tendirent, Martial joua le rôle de médiateur. Il se distingua dans cette position d’équilibre, conscient de son rôle et fidèle à ses principes. Son influence fut telle que c’est Fulbert YOULOU lui-même qui maria le couple SINDA à la mairie de Brazzaville en 1958. Dans la tradition matrilinéaire kongo, YOULOU considérait Martial comme son neveu.

La Conférence nationale de 1991

Martial Sinda s’engagea finalement en politique, à l’occasion de la Conférence nationale de 1991, avec la volonté de faire revivre l’idéal politique de Fulbert YOULOU. Malgré les obstacles, il parvint à récupérer le récépissé d’enregistrement du Parti de l’Union Démocratique pour la Défense des Intérêts Africains (UDDIA), membre du Rassemblement Démocratique Africain (RDA). Un geste visionnaire : le panafricanisme est plus que jamais d’actualité.

Au départ, il n’était pas question pour lui d’adhérer à un parti. Mais, au retour du pluralisme démocratique en 1991, il choisit de revenir au Congo, porteur d’une ambition : témoigner de l’apport de Fulbert YOULOU à la construction du pays. Fidèle à ses engagements, il voulut faire renaître la doctrine de l’UDDIA, qu’il avait contribué à fonder en 1956.

Sans esprit partisan, il a laissé en héritage aux jeunes générations et aux futurs historiens une part essentielle de notre mémoire collective — une mémoire longtemps occultée, qui peine encore à retrouver toute sa vérité.

Ultimes rencontres

Les dernières rencontres avec Tonton Martial eurent lieu à Paris, en présence de l’abbé Joseph YANGUISSA, son ami. Lors de nos échanges téléphoniques, il me confia : « Je n’ai jamais trahi », un acte de fidélité auquel je répondis : « Je le sais, tu n’es pas Brutus. » Je l’interrogeai sur l’UDDIA. D’une voix douce, il me répondit : « Tu fais ce que tu veux. » Moi, fils de mon père, lui pensait à mon libre arbitre face à l’héritage. En matière de succession, d’autres — fils de Tchystère, Yhombi, Kolélas, Milongo, Manckasa — n’ont pas hésité à reprendre le flambeau.

Avec lui, c’est une page d’histoire qui se tourne : celle du youlisme. À moi, désormais, de faire revivre cette pensée, aux côtés des fidèles de l’abbé Fulbert YOULOU, tels que Maître Rudy MBEMBA, fervent youliste et admirateur des travaux remarquables de Tonton Martial.

Oui, Martial SINDA a encore son mot à dire. Il a un rôle à jouer dans notre XXIe siècle si singulier. C’est pourquoi j’ai tenu à le remettre en lumière, maintenant qu’il n’est plus.

Que son âme repose en paix, Tonton. Que la terre lui soit légère.

Mes condoléances à Tata Albertine, sa veuve, à ses enfants, notamment Thierry, ainsi qu’à ses lecteurs.

Philippe YOULOU
Avocat au Barreau de Nice
Le 24 juillet 2025

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6 réponses à Adieu Tonton Martial SINDA, un intellectuel, un chercheur, un historien qui s’en va.

  1. Anonyme dit :

    Très bel hommage à la fois épitaphe et épitre de Me Philippe Youlou dans les veines duquel coule le pouvoir paternel. Les ouvrages de l’écrivain du bord de la Seine, longtemps recouverts du lourd manteau du silence gagneraient à être rééditer. Notamment en ce moment où la région du Pool, berceau de la subversion, a tellement besoin de regénérer l’âme de la résistance cultivée par André Matsoua Grenard, et dorénavant menacée par le camarade Sassou avec son vieil ami et complice Ntoumi. Enfin je viens de me rendre compte que le fils du Pool, Sinda, portait un prénom tirant ses racines dans la mythologie de la guerre chez les Grecs en l’occurrence Martial déclinaison de Mars, planète dédiée à la résistance conflictuelle. Sans s’appuyer sur le conflit, Martial Sinda a beaucoup résisté, en silence, comme le Destin.

  2. Anonyme dit :

    Les obsèques de Martial Sinda ont eu lieu, sans bruit et fureur. Aucun communiqué officiel du gouvernement de Sassou. Point de condoléances. En revanche Théophile Obenga a été décoré comme jamais, tambours battants. Deux poids, deux mesures. L’homme de L’Alima peut la boucler. Son silence est une décadence. Dans tous les cas les paroles s’envolent, les écrits restent. Sassou a beau discriminer. Dieu reconnaîtra les siens.

  3. pierre martin dit :

    toutes nos condoleances a sa famille. a en croire cette biographie martial sinda n’avait jamais rencontre ne serait ce que pendant une courte minute le commandant marien ngouabi pascal lissouba et meme sassou ng.

  4. Anonyme dit :

    C’est en consultant ce site internet que je viens d’apprendre la triste nouvelle du décès de monsieur Martial SINDA, que j’entendais parlé depuis les années quand j’étais encore étudiant à l’université Marien Ngouabi, grand intellectuel congolais, Historien Congolais, dont nous suivons les traces (en tant que professeur d’Histoire-Géographie au secondaire Historien et Sociologue Chercheur Congolais). J’avais aussi lu quelques de ses œuvres.
    Cela étant dit, je salue la mémoire et l’immense oeuvre de l’illustre disparu. Il fut un grand dans le panthéon intellectuel congolais comme les défunts historiens Dominique Noir Ngalla, Jerôme Ollandet, et bien d’autres dont Tata Fulbert Youlou bien entendu. Nous qui sommes de la jeunesse génération, marchant sur des traces (d’Historien), nous avons repris le flambeau.
    Et pour que ses œuvres soient accessibles, il faut que la famille ou les âmes volontaires (comme on a un ministère de la Culture sur lequel il ne faut pas compter, comme dejà on peut voir qu’il n’y a pas eu de communiqué officiel sur son décès, le tribalisme étant l’une des causes pour honorer la mémoire de quelqu’un, ou pour occuper un poste, obtenir un emploi, etc.., donc pas d’étonnement de ma part, et le même tribalisme va aussi empêcher que ce ministère se charge de son œuvre ou des personnalités intellectuelles ou culturelles ayant ont disparu avant lu au-delà d’être dysfonctionnel) s’en chargent afin de les numériser, car à l’heure du numérique, le contenu intellectuel existant sur internet a 90% de chances d’être accessible largement que celui qui existe en papier. Aujourd’hui la tendance pour les intellectuels et artistes musiciens comme Martial SINDA ayant publié plus en papier (ou disques pour les musiciens) que sur internet, c’est qu’après leurs décès, on numérise leurs oeuvres, s’il ya bien entendu volonté de le faire.

    Et en parlant de Tata Fulbert Youlou – je m’adresse cette fois-ci à monsieur Philippe Youlou (s’il vous plaît, veuillez lui transmettre ce commentaire)- , il est totalement ÉTONNANT ou AHURISSANT de ma part de lire que l’un des fils de Youlou parle de la promotion de la flamme ou de l’héritage de son père, en évoquant d’autres noms comme monsieur Rudy Mbemba (dont j’ai lu dans le passé, l’ouvrage interéssant sur Youlou), SANS MENTIONNER son frère de sang, CHARLES SYLVAIN FULBERT YOULOU, son ainé, représentant légal de l’héritage de son père au Congo, un grand intellectuel aussi, alors que monsieur Sylvain Fulbert Youlou avait beaucoup fait pour entretenir cet héritage, je parle en connaissance de cause: création de l’Association Fulbert Youlou dont j’ai été Secrétaire, qui réunissait parfois les fils de Opango de quand il était vivant, les filles de Massamba, sa candidature aux élections législatives de 2013 à Madibou, etc…. Donc en lisant ce nom de Philippe Youlou et en sachant que vous êtes l’enfant de Tata Fulbert Youlou, et en lisant cette partie de ceux qui continueront à entretenir la flamme de Tata Fulbert Youlou après le départ de l’un de ceux qui entretenaient cette flamme, en l’occurence ici Tata Sinda, je m’attendais que le frère cadet cite aussi son frère aîné Charles Fulbert Youlou (à moins qu’il ne soit plus de ce monde, vu que nous nous sommes perdus de vue), et ses sœurs.

    Certes je ne suis pas totalement étonné de cette non mention du nom du Frère aîné, compte tenu des problèmes familiaux sur l’héritage entre vous, comme c’est le cas malheureusement de plusieurs familles africaines après la disparition du patriarche, mais justement il faut parfois embellir ne fusse que les formes en donnant l’image d’une fratrie unie donc en citant les noms des frères et sœurs dans ce genre d’articles.
    Dans le cas le plus radical, faites l’union entre vous frères et sœurs, car comment voulez-vous entretenir la flamme du père (Fulbert Youlou), en cherchant que le peuple congolais fasse autant quand déjà vous les enfants biologiques, êtes divisés, chacun s’accaparant de l’héritage et la mémoire du père? Bien entendu cette flamme s’éteindra et le congolais (peuple) n’entretiendra pas cette flamme. D’ailleurs ce sont ces divisions qui ont fini par enterrer pour une deuxième fois les Milongo, Thystère Thicaya, – dont vous citez les enfants ici dans cet article -, et qu’on ne parle plus presque d’eux dans la mémoire collective.
    Et en parlant de ces enfants, vous avez dit qu’ils ont repris le flambeau de leurs pères défunts respectifs, et vous voulez faire autant maintenant, vu le décès de Tata Sinda, l’un des derniers compagnons de YOULOU, alors à mon humble avis, au regard de ce que je viens de dire ci-dessus que votre frère aîné a déjà fait pour reprendre le combat politique de votre père, vous n’avez plus besoin de reprendre le flambeau mais plutôt s’unir à votre ainé et continuez ensemble ce qu’il a fait et fait dejà. Voilà ce que j’avais à vous dire cher monsieur Philippe Youlou sur votre présent article, en dehors de ce que j’ai dit sur la mémoire de Tata Sinda. Matondo.

    Axel SAMBA,
    Professeur d’Histoire-Géographie au secondaire, Historien et Sociologue Chercheur

  5. Anonyme dit :

    Au départ je suis venu dans ce site internet pour dire ce que je dirai ci-dessus sur mon récent travail d’histoire, avant de voir cette triste nouvelle du décès. Le respect aux défunts étant primordial, j’ai voulu d’abord rendre hommage au défunt avant de dire ce que j’avais à dire initialement.
    Alors, ce que j’avais à dire c’est que, pour les passionnés d’Histoire politique d’Afrique et celle de l’Amérique latine notamment celle qui nous concerne nos semblables afro descendants (beaucoup d’Africains malheureusement ne prêtent pas attention à l’histoire et à la culture des afro-descendants alors qu’on a la même racine ancestrale, surtout nous sommes d’Afrique centrale, nous avons legué un grand héritage culturel, d’où mon rôle en tant qu’Histoirien et dont les Afro-descendants sont l’une de mes specialités en Histoire, dont beaucoup de mes travaux en Histoire concerne les Amériques), notamment pour voir et comprendre que les alternances politiques à la Medvedev ne sont aussi nouvelles de notre époque récente, – alternances illusoires que Kabila avait voulu faire en mettant en place avec des élections présidentielles frauduleuses, Tsishekedi comme homme de paille (mais ce dernier s’est emancipé), bien avant Kabila, l’angolais Eduardo dos Santos avait voulu faire de même, mais son fantoche (Lourenço) s’est avéré être un seigneur et non un vassal, rires, alternances illusoires que Macron veut s’essayer en 2027 et 2032 -; que les dictateurs qui s’attaquent au clergé catholique dans leurs pays respectifs c’est pas aussi nouveau; et que les complexes d’infériorité sur les origines raciales qui ont beaucoup d’Afro-descendants en Amerique latine en rejetant leurs identités noires pour essayer d’être eugéniques, ne sont pas aussi nouvelles, – car rien de nouveau sous le soleil -, alors je vous suggère ce récent article que j’ai publié concernant l’ancien tyran Dominicain qui est l’un des prototypes de tout ce qui vient dit ci-dessus, intitulé: « L’ancien Tyran Dominicain Rafael Trujillo: une analyse comparative et sociologique sur les alternances politiques de Poutine, sur les politiques anti cléricales de Daniel Ortega (Nicaragua), et un regard sur la honte anthropologique et ignorante des origines raciales (Aliénation Culturelle) de beaucoup des Afro-descendants en général dont les Afro-brésiliens en Amérique latine », dont voici le lien: https://www.academia.edu/143146562/Lancien_Tyran_Dominicain_Rafael_Trujillo_une_analyse_comparative_et_sociologique_sur_certaines_pratiques_politiques_dans_le_monde_et_sur_certains_comportements_sociaux_des_afro_descendants_en_Am%C3%A9rique_latine .

    J’espère que vous apprécierez cela en le lisant. Vous partagez à vos amis et connaissances amoureux de l’Histoire.

    Pour ceux qui n’ont pas encore lu les travaux scientifiques sur l’Histoire de nós majestueux Royaumes Loango et Téké d’Afrique Centrale, eh bien je vous informe qu’ils sont toujours aussi, bien entendu, disponibles sur ma page de profil de la plateforme Academia.edu . Merci d’avance pour votre compréhension et bonne lecture !!!.

    Cordialement,

    Axel SAMBA,
    Professeur d’Histoire-Géographie au secondaire, Historien et Sociologue Chercheur

  6. pierre martin dit :

    le defunt martial sinda navait donc na pas eu de son vivant ne serait ce qu’une courte une minute pour echanger avec marien ngouabi denis sassou ng p lissouba?
    bizarre tout de meme

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