L’IMPERATIF DE L’ALTERNANCE POLITIQUE AU CONGO: IL FAUT EVITER L’AMALGAME

sassou aux aguets

sassou aux aguets

Depuis que les thuriféraires du Pct, Mabiala et Koumba ont décidé de suggérer la modification de la Constitution, aux fins de permettre à Sassou de briguer un troisième mandat, le débat n’a cessé d’enfler au sein de la classe politique congolaise. Mais qu’à cela ne tienne, il convient d’attirer l’attention des congolais sur le piège de l’amalgame concocté par le Pouvoir en place, tant le risque de diversion et de dérapage est grand: alors, le bon sens et le discernement s’imposent.

Il sied de rappeler que la problématique de l’alternance au Congo reste et demeure une constante. Pour cela, il n’y a pas lieu de changer les règles de jeu avant 2016. Bien au contraire, le bon sens et l’éthique commandent d’aller au bout de l’engagement politique pris par Sassou devant le peuple souverain. D’autant plus que la Constitution actuelle n’empêche pas d’aller aux élections présidentielles en 2016, de façon démocratique. Compte tenu de la conjoncture, il suffit tout simplement de créer les conditions consensuelles de confiance, de transparence et d’équité. Le débat actuel ne doit pas se focaliser sur la théâtralisation visant à manipuler et instrumentaliser les paisibles populations, comme s’emploient à le faire le Pct et ses alliés. Dire que c’est le peuple qui exige le changement ou la modification de la Constitution, c’est se moquer de ce même peuple, voire le mépriser. C’est un secret de polichinelle de dire que c’est le Pct qui est à l’origine du projet, alors qu’il ne représente pas le Peuple congolais dans son ensemble. Ceci dit, il n’a pas le monopole de parler en son nom, ni de se mettre au-dessus des lois de la République.

S’agissant de la proposition de soumettre son projet machiavélique au référendum, rappelons que le Pct habitué à tricher dans les urnes voit là une occasion de berner le Peuple. Face à une telle escroquerie politique, disons qu’il faut s’accorder sur le bien-fondé d’une telle initiative. En effet, le référendum est le vote qui permet à l’ensemble de citoyens d’approuver ou de rejeter une mesure proposée par le pouvoir exécutif. A la seule condition que la mesure en débat constitue un problème brûlant de nature politique ou social, c’est-à-dire une difficulté majeure avérée dans la vie des institutions. Dans le cas du Congo, on est en droit de se demander quel est le problème susceptible de bloquer le fonctionnement des institutions, à deux ans des élections présidentielles. Si ce n’est la tricherie orchestrée par le Pct dans les urnes, depuis son retour aux affaires par la guerre.

Il est curieux de constater que ce Parti au pouvoir n’a jamais demandé la modification de la Constitution avant les élections législatives, municipales et sénatoriales organisées de façon non consensuelle, et que c’est maintenant qu’il l’exige. Pour sa gouverne, il convient de rappeler que les mêmes règles de jeu doivent s’appliquer aux élections présidentielles de 2016.

A tous ceux qui prônent la modification de la Constitution sous prétexte qu’il faut l’adapter aux nouvelles évolutions de la société congolaise, il faut rétorquer que c’est un faux problème. En effet, en quoi la Constitution actuelle freine-t-elle la modernisation du Congo Brazzaville, sachant qu’elle a permis au pouvoir de lancer à grands coups de publicité onéreuse et de propagande assourdissante « la municipalisation accélérée » truffée d’éléphants blancs, et surtout de vanter les mérites du « chemin d’avenir » dont l’horizon s’assombrit au fil des jours, par manque d’électricité?

Ce dernier temps, les Dépêches de Brazzaville, le journal du Pct ne parle plus de changement de Constitution, mais plutôt de la modernisation des institutions. Or, qui dit modernisation dit actuel, c’est-à-dire qui tient compte de l’évolution récente. Moderniser, c’est organiser d’une manière conforme aux besoins et aux moyens modernes. En la matière l’évolution actuelle du Congo est marquée par deux faits majeurs: la Conférence nationale Souveraine et l’instauration de la démocratie pluraliste qui a débouché sur des élections libres et transparentes. La succession de guerres n’est que la conséquence de l’archaïsme et l’anachronisme des comportements de pouvoir. S’agissant des besoins, il faut rappeler que tous les congolais veulent vivre dans une réelle et véritable démocratie. A ce point, rien ne justifie autrement la modernisation des institutions actuelles, car elles ne sont ni anciennes, ni caduques. Concernant les moyens modernes, il faut insister sur le fait que la Conférence Nationale Souveraine avait pour vocation de doter le Congo d’un plateau d’outils de gouvernance moderne. Aujourd’hui, la crise multidimensionnelle que connaît le pays est tout simplement due à l’égoïsme des dirigeants, à leur incompétence criante, mais également à la mauvaise pratique des acteurs politiques qui ont toujours agi dans le sens de la perversion et de l’aliénation de ces outils.

Dans le cadre d’un débat véritablement démocratique, les tenants de la modification de la Constitution ont le devoir d’exposer leur thèse avec des arguments objectifs, convaincants et significatifs. Le tout doit être mis en lien avec les attentes concernant l’amélioration des conditions de vie, avec les aspirations de liberté, de paix et sécurité, et enfin avec les ambitions visant le bien-être du peuple congolais. Ils devront expliquer aux congolais ce qu’est la démocratie à l’Africaine, et puis préciser en quoi elle est antinomique avec la démocratie occidentale, quels en sont les points d’ancrage, les spécificités et les particularités. Enfin, ils devront en définir les contours théoriques, conceptuels et culturels. Faute de quoi, il s’agirait là tout simplement d’un avatar sorti droit de l’imagination bridée de quelques juristes du Pct empêtrés dans un obscurantisme primaire et archaïque, à contre-courant de l’histoire moderne.

Depuis le retour de Sassou au pouvoir en 1997, il a toujours dirigé le Congo avec la Constitution qu’il a lui-même initiée, soi-disant dans des conditions exceptionnelles. En toute logique, cela voudrait dire que c’est une manière de souscrire à l’impératif de l’alternance, dans le respect de la règle du jeu démocratique, à la fin de sa magistrature. Aujourd’hui, nous sommes en 2014, cela fait donc 17 ans. Alors que dans cet intervalle il a organisé des élections à l’issue desquelles il est toujours sorti victorieux, malgré son impopularité avérée au sein des populations civiles, à travers une abstention importante. A deux ans de la fin de son mandat, la logique voudrait qu’il présente le bilan exhaustif de ses années passées au pouvoir. A juste titre, voici un quid de ce bilan qui pourrait inspirer le citoyen congolais, loin de la simple vue de l’esprit.

En 32 ans de pouvoir, quel est l’héritage que Sassou lègue aux générations à venir, notamment dans les domaines de l’emploi, la formation qualifiante des jeunes, la justice sociale, l’accès à l’eau potable, à l’électricité et aux soins primaires, ainsi que dans le domaine des droits de l’homme et des libertés individuelles?

Aujourd’hui, au plan économique et social est-il admissible et tolérable que dans un Congo producteur de pétrole, le seuil de pauvreté soit l’un des plus élevés de la planète?

Est-il admissible et tolérable que des congolais ne mangent pas à leur faim, soit moins de deux repas par jour ?

Est-il admissible et tolérable que les congolais ne puissent pas avoir accès à l’eau potable, à la fourniture d’électricité, à une justice sociale pérenne, aux conditions d’hygiène décentes et aux soins de santé primaires ?

Est-il admissible et tolérable que des enfants congolais soient scolarisés dans des écoles insalubres, des conditions matérielles et pédagogiques au rabais, dignes du moyen âge? 

Est-il admissible et tolérable que de jeunes diplômés de l’enseignement supérieur atteignent l’âge de 40 ans sans jamais avoir travaillé?

En marge de ce bilan, il convient de préciser que les performances positives qu’affiche le Congo au plan macro-économique sont le fait des pressions exercées par le Fmi et la Banque Mondiale en lien avec les conditionnalités PPTE.

Au-delà de toute querelle politicienne, le débat sur le changement de la Constitution ne doit pas sacrifier ni occulter les enjeux capitaux liés aux aspirations profondes axées sur la bonne gouvernance, l’alternance politique, la paix et la sécurité. Dans ce sens, il me semble malhonnête et indigne, comme c’est le cas en ce moment dans le camp du Pct, de détourner l’attention des populations congolaises, en les bassinant avec de la propagande intimidatrice et mensongère. En effet, le risque de troubles sociaux ou de conflit armé tant mis en avant est imputable au pouvoir en place, car en charge de la sécurité des biens et des personnes. Tous les congolais savent que ce pouvoir possède un arsenal d’armement imposant et impressionnant, avec une forte présence de mercenaires. Alors que le pays n’est exposé à aucune menace extérieure.

Pour dire les choses clairement, il est impératif pour le Pouvoir en place de créer les conditions d’une expression libre, et d’une alternance pacifique au Congo Brazzaville. C’est pourquoi, les congolais doivent en appeler au sursaut républicain dans la conduite de l’Armée, de la Gendarmerie et la Force publique, à l’instar du Burkina Faso où l’Armée et la Police se sont abstenues de massacrer les populations civiles. Force est de rappeler que l’Armée et les forces associées sont au service de la République et non d’une seule personne. Car la République est synonyme de Peuple, de même le Président n’est pas le seul détenteur du Pouvoir. La vocation de la lutte de pouvoir n’est donc pas de diviser le peuple, ni d’opposer les populations entre elles, mais plutôt de proposer un projet de société fiable et salvateur pour la vitalité et le dynamisme de la Nation.

Dans cet ordre d’idées, le Pct n’est pas autorisé à faire l’amalgame concernant la stratégie de conservation de pouvoir au-delà de 2016 et l’impérieux besoin des populations d’aller vers plus de démocratie avec des hommes nouveaux, et de s’ouvrir à une vision nouvelle. Alors, la modernisation des institutions ne sera possible qu’à l’issue de l’état des lieux post élection présidentielle. Puisqu’il s’agira d’un fait politique majeur qui sera enregistré dans l’histoire du pays.

Il est un épineux problème au Congo Brazzaville qui concerne l’Opposition politique constituée d’une mosaïque de petits Partis sanglés par la lutte des égos. Ils sont tous incapables de constituer une force dans l’union et la détermination, mais surtout impuissants de construire une stratégie cohérente. Une Opposition fortement atomisée par le pouvoir central, dont les responsables ne sont pas vierges et nouveaux, car ayant longtemps fait partie de la vieille classe politique du Pct. Ainsi, elle compte en son sein des transfuges dont l’intégrité et la dignité s’effacent allègrement sous la pression de l’achat de consciences par le moyen de la corruption nauséabonde.

En définitive, en toute légitimité se pose l’autre problème pertinent du sens véritable de l’engagement politique dans les deux camps. A l’épreuve, tout porte à penser que cet engagement n’est pas fondé sur des convictions fermes et inaliénables, encore moins sur l’idéal de promouvoir la démocratie et de défendre l’intérêt supérieur de la Nation. Tant le profit personnel, le sectarisme et l’ethnocentrisme constituent le leitmotiv dans la conquête du pouvoir.

Le Congo doit résolument tourner la page de la mal gouvernance afin de se doter de moyens lui permettant d’être efficient dans le concert des Nations libres.

Par François Ondongo.

LA PALABRE : Le journal panafricain gratuit de décembre 2014

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2 réponses à L’IMPERATIF DE L’ALTERNANCE POLITIQUE AU CONGO: IL FAUT EVITER L’AMALGAME

  1. Isidore AYA de Makoua dit :

    Le 18 Mars 1991: Chronique d’un cour de sciences naturelles (biologie) au lycée Drapeau Rouge de Brazzaville par le professeur de Sciences naturelles, Isidore AYA TONGA alors 26 ans !

    Thème: physiologie sur la carotide et la veine jugulaire !
    Élève: classe de terminal série D, Classe de terminal D3 !

    Monsieur Isidore AYA TONGA diffusait à ses élèves attentifs – un cour particulier sur la carotide et sur la veine jugulaire.

    En effet, la carotide est l’artère principal qui nourrit le cerveau en O2, en nutriments et puis. Quant à la veine jugulaire, elle est chargé de ramener le sang venant du cerveau riche en co2 et en déchets métabolites vers le cœur .

    Celui-ci envoie le CO2 vers les poumons et les métabolites vers les reins à travers la veine cave inférieure… Trop c’est trop, trop scientifique c’est trop.

    Le but inavoué de ce cour de Isidore AYA TONGA (Ngouabiste et massamba Debiste) était d’expliquer et sans susciter les reactions dictatoriales Denis Denis Nguesso – la section par Sassou Nguesso à 15h52min, 35 secondes, ce 18 mars 1977 de la carotide de Marien Ngouabi?

    Sassou Nguesso avait t-il été informé du rôle joué par la carotide dans la survie de l’individu et par qui?

  2. Aloula dit :

    Oui Mr Ondongo l’analyse est pertinente mais vous savez que le bon sens et l’honnêteté intellectuel ne sont pas les choses au monde les mieux partagées chez les faucons du PCT quand on sait qu’ils ont inoculé chez leurs responsables et leurs militants les virus du mensonge, de la tricherie, de la ruse, et de l’intrigue. Le système actuel a déjà prouvé que seul la conservation du pouvoir l’intéresse, et vous savez aussi que c’est une dictature.

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