Révolution ou Évolution ? Les secrets de la R-Évolution

  • Toute nue, ta mère est en train de se noyer dans un lac, la sauveras-tu en risquant de voir sa nudité ou préféreras-tu la laisser mourir par pudeur ?

Un vent puissant souffle ces derniers temps sur le Maghreb et le reste du monde arabe. Cet ouragan baptisé printemps arabe a déjà balayé deux régimes avant très certainement d’en emporter tant d’autres aujourd’hui ébranlés par une contestation populaire grandissante. Il est difficilement concevable que ces événements, bien qu’ayant lieu à des milliers de kilomètres de chez nous, n’aient, à plus ou moins long terme, un impact sur notre situation nationale. Notre jeune histoire est riche en situations internationales ayant eu des rebondissements au niveau national. Le dernier événement d’envergure était la chute du mur de Berlin qui, à travers le discours mitterrandien de la Baule, avait favorisé la tenue de notre Conférence Nationale Souveraine. Cette dernière a permis l’explosion du mécontentement populaire contenu pendant de longues années.

Comme à plusieurs reprises par le passé, le Congo se trouve donc à la croisée des chemins. Face à son histoire souvent tumultueuse et douloureuse, il est de nouveau appelé à faire un choix crucial. Et comme chaque fois, les yeux sont tournés vers les dirigeants et la population, les gouvernants et les gouvernés.

En ces temps de libéralisme triomphant, il ne fait pas bon citer Lénine qui, décrivant les caractéristiques de la situation révolutionnaire dit en substance :« Une situation est dite révolutionnaire quand les gouvernants ne savent plus anticiper et les gouvernés ne peuvent plus supporter ». Les conditions révolutionnaires peuvent être remplies sans pour autant que cette dernière ne se déclenche. Et même quand elle se déclenche, les résultats ne sont pas toujours immédiats ce qui engendre désillusions et frustrations. C’est alors que s’impose l’art d’anticiper afin de prévenir les explosions. Si les frustrations et les désillusions ne sont pas prises en compte à temps, les soubresauts deviennent inévitables aboutissant à l’effondrement final. Le cas le plus récent et le plus instructif d’un régime sourd aux exigences de ses population est celui de l’URSS. Si la révolution bolchevique de 1917 a fini par lamentablement échouer en 1991, c’est que la Perestroïka commencée en 1985 par Gorbatchev et qui devait la sauver est arrivée trop tard. Le système avait déjà échoué à se réformer une première fois à la mort de Staline.

La pérestroïka était conçue comme une mini révolution avec les tares de toutes celles-ci (impatience des masses, tergiversations des élites, pression extérieure et intérieure, etc.) et quand un système est en retard d’une (r)évolution, sa chute devient presque inévitable.

Si, au vu de ce qu’est devenue l’URSS Lénine est aujourd’hui un paria politique, Deng Xiao Ping est au contraire une référence qui suscite une réelle admiration. Par l’immense impact de la réussite économique chinoise sur le cours de l’histoire universelle, personne ne peut nier la justesse de vue de ce dirigeant chinois. Il a réussi le pari de transformer son pays en une puissance mondiale en réalisant très progressivement les changements qui s’imposaient.

Sagesse orientale : « Les sages apprennent par les fautes des autres, les fous apprennent par leurs propres fautes » (si jamais ils apprennent)

En entendant les cris d’orfraie qui s’élèvent tant au sein du pouvoir que de l’opposition, en entendant la clameur qui monte de la population manipulée dans un sens comme dans l’autre, ballotée au gré des intérêts plus ou moins avouables, force est de constater que le Congo, notre mère à tous s’apprête à se noyer dans son propre sang. Le laisserons-nous aller fatalement vers son sort en embrassant ses démons meurtriers ou oserons-nous pour une fois emprunter la voie de la sagesse et de la raison ?

Le Congo aux yeux de ses dirigeants actuels est une démocratie stable, un modèle de développement, un havre de paix retrouvée mais constamment menacé par des revanchards n’hésitant pas à brandir le spectre du chaos total pour assouvir leur soif de pouvoir et de vengeance. Le même Congo est au contraire, aux yeux de l’opposition, une copie conforme des autocraties familiales (Tunisie, Egypte, Libye, etc) qui ont hypothéqué l’avenir de leurs pays en détournant l’essentiel de la richesse nationale tout en maintenant la grande majorité de leurs citoyens dans la soumission la plus absolue. Au Congo, comme dans les pays susmentionnés, le pouvoir encense sa propre gestion tandis que l’opposition dénonce une structure tribale vivace doublée d’une captation des rentes, d’abord par un clan et finalement par une famille.

D’un côté comme de l’autre, la tentation de camper sur ses positions est donc grande. Le pouvoir, convaincu de son bon droit, hésitera longtemps à concéder quoique ce soit dans la crainte de déclencher une inutile et interminable spirale aboutissant à la perte totale de contrôle et à des morts innocentes . De l’autre côté, galvanisée et légitimée par le printemps arabe, l’opposition s’enfermera dans une intransigeance totale : tout le pouvoir ou rien, avec à l’horizon la perspective de persécuter et d’humilier les tenants du pouvoir déchu

Il n’est pas étonnant que nous soyons dans un blocage total, une sorte de veillée d’armes prélude à une explosion sociale dont nous, Congolais, possédons seuls le secret.

En effet, là où d’autres nations évoluent par consensus, nous privilégions la violence sociale comme unique mécanisme de résolution de nos conflits sociopolitiques. Et cette violence sociale n’a fait que s’amplifier depuis 1959.

Si nous tenons à notre logique strictement congolaise et macabre, le prochain soubresaut devrait se solder vraisemblablement par des centaines de milliers de morts, puisque nous avons déjà dépassé allègrement le cap des dizaines de milliers par conflit.

Face à cette quadrature du cercle, n’y a-t-il pas un brin de bon sens, une prise de conscience élémentaire qui nous permettraient de faire preuve de dépassement de soi ? Sommes-nous condamnés à l’autodestruction ou pouvons-nous faire preuve d’un sursaut national ?

D’aucuns proposeront une Conférence Nationale Souveraine bis dont on a expérimenté les limites et qui tentera de corriger les erreurs de la première. D’autres penseront à un dialogue sans exclusive dont nous connaissons tous les résultats.

C’est ici le lieu et le moment d’introduire la notion d’évolution dans notre pensée trop encline à la violence gratuite et à l’exclusion de l’autre.

Ni la prétention d’avoir raison contre tous ni les remords du silence observé quand tout était encore possible.

Dans le tumulte qui s’annonce, le risque d’ingratitude est immense de choisir la voie du milieu. Malgré cela, cette réflexion se veut avant toute chose un appel à la sagesse et à la modération. Le seul risque encouru est de susciter la haine des jusqu’au-boutistes du pouvoir et le dédain des revanchards de l’opposition. Les uns comme les autres ont fait leur cette macabre devise: « Le pouvoir est au bout du fusil, il ne se donne pas, il s’arrache ! »Tous crieront à la naïveté. Qu’importe si le Congo profond, celui de la majorité silencieuse, ceux qu’on oublie pendant les vaches grasses et qu’on sacrifie sur l’autel de l’égoïsme pour arriver au pouvoir, si ce Congo-là en sort enfin vainqueur !

Si le pouvoir applaudit ce message tandis que l’opposition le maudit, alors nous aurons failli ; si l’opposition l’applaudit tandis que le pouvoir crie à la trahison, alors nous aurons péché par mauvaise foi. Si au contraire l’opposition et le pouvoir ne se reconnaissent qu’à moitié dans ce message, alors ce sera la preuve qu’un appel à mettre l’église au milieu du village est encore possible.

La preuve d’un dépassement de soi de la part du pouvoir et de l’opposition c’est quand les deux parties repartent à moitié satisfaites, donc par la force des choses à moitié déçues. Le pouvoir pourra affirmer avoir sauvé l’essentiel tandis que l’opposition se targuera d’avoir obtenu l’essentiel.

La R-Évolution : dans le mot révolution, il y a d’abord évolution la révolution s’impose quand l’évolution pacifique n’a pu avoir lieu. La révolution est en choix un échec qui se veut fondateur.

Le temps n’est-il pas venu de surmonter nos peurs, notre arrogance, notre suffisance, notre soif de vengeance et nous humilier dans un vrai compromis dont le seul but serait de sauver le Congo en lui épargnant une violence inutile ? Ne sommes-nous pas mûrs et capables pour une fois d’Oser le Congo par la voie consensuelle à la place de nos égoïsmes ataviques et destructeurs ?

Nation divisée qui refuse de reconnaître sa division afin de la dépasser…Nation belliqueuse qui vit au rythme du leitmotiv de son armée : « Si tu avances, nous te suivrons ; si tu t’arrêtes, nous te pointerons ; si tu recules nous t’abattrons. » Nation utopique où la tribu prend en otage l’individu et où l’individu se complaît dans une vision réductrice de la solidarité en la limitant à la dimension ethnique et familiale. Le Congo, notre mère à tous est nu. Oserons-nous affronter sa nudité pour le sauver ou préférerons-nous sauver les apparences en sacrifiant l’essentiel qui est la vie ?

Tout est dans les mains du pouvoir et de l’opposition. Tout est surtout dans les mains du peuple souverain. Ce que le peuple souhaite en fin de compte, c’est une vie dans la paix, la justice, le travail comme l’affirme notre devise nationale et le stipule notre constitution. Ce à quoi le peuple aspire, c’est une amélioration de ses conditions de vie afin de garantir un avenir radieux à la jeunesse, une fin de vie décente à la vieillesse et une dignité enfin retrouvée à l’ensemble du peuple. Ce que le peuple souhaite, c’est d’être représenté en toute transparence et intelligence par des gens qu’il se choisit lui-même sans manipulation ni intimidation ; des gens à qui il peut, à intervalles réguliers, demander des comptes ; des gens qu’il peut sanctionner par la voie des urnes sans craindre pour sa vie ; des gens qu’il peut punir sans être obligé de les humilier ; des gens qu’il peut réhabiliter s’il les en estime dignes.

Osons le Congo !

Pouvoir et opposition sauront-ils faire le choix d’un Congo sincèrement réconcilié ? Saurons-nous tous enfin « Oser le Congo »

Pascal Malanda

Vuurbloem : Centre flamand pour la communication non-violente

Prévention et résolution pacifique des conflits.

[email protected]

 

Publié par www.congo-liberty.org

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